Disparition › ADIEU CHER « GIGI »
Nous avons tous dans notre entourage, dans notre cercle de famille, d’amis ou de relations, quelqu’un dont on aime se laisser aller à penser qu’il porte en lui – ou en elle – quelque chose d’éternel.
Pour beaucoup, Gilbert Beauvié est de ceux-là. Une preuve ? Nous l’appelions tous « Gigi ».
Gilbert Beauvié est mort vendredi. Il avait 87 ans. Ces obsèques ont lieu ce lundi matin, à 9 h 30.
Jamais ceux qui l'ont connu ne pourrons effacer « Gigi » de leur mémoire…
Nous nous souviendrons de Gigi, remontant la rue Saint-Michel, avec son cageot de saucisses, qu’il allait déposer sur la toile cirée de la cuisine de la cantine de l’école. Et que Mme Campan et Marie-Thérèse allaient aussitôt jeter dans la poêle.
C’était l’époque où le surgelé n’avait pas encore envahi nos tables. Où l’alimentation de nos écoliers n’était que produits locaux.
On croisait un peu plus tard Gilbert Beauvié apportant à l’Europe, les côtelettes qu’Arlette servirait à midi aux clients de son restaurant.
Il prenait le temps d’échanger une plaisanterie, au bar où, autour de la cheminée qui flambait, on ravivait ensemble, d’une anecdote, la flamme qui avait allumé mille incendies sur les terrains de rugby des alentours. Une réputation qui l’avait fait héros indestructible.
La réputation de Gilbert Beauvié devint encore plus grande, sur le plan professionnel, quand il s’affirma comme le premier traiteur - on ne connaissait pas encore le mot, à l’époque – de notre contrée. Avec un talent tel qu’il n’hésitait pas, en bon rugbyman, à aller à l’autre bout de la France, frotter son expérience et ses idées à celles d’autres professionnels comme lui.
Pour le plus grand bonheur des fines bouches villeréalaises.
C’est Gigi qui monta avant tous, place de l’église, le premier « labo » gastronomique du pays. Les apprentis passés entre ses mains, s’en allaient avec un bon de réussite garantie. Et si Jean-François, son fils, ne reprit pas l’entreprise paternelle, il prospéra chez Mariottat, table agenaise étoilée !…
À juste titre, des raisons d’être fier.
Et pourtant, c’est là aussi qu’il subit le revers le plus cruel. Celui de la transmission de son patrimoine professionnel.
Le « labo » de Gigi Beauvié, charcutier-traiteur d’excellence, ne trouva jamais le repreneur digne de lui succéder. Pire, ceux qui prétendirent prendre la suite ne laissèrent que ruine.
— Relire notre article du 31 juillet 2014 —
Ce revers affecta profondément Gigi et son épouse, qui se retirèrent au Moulin d’Andrieu.
La dernière fois que nous nous retrouvâmes, pour une longue conversation, ce fut à l’occasion de la célébration des 750 ans de la bastide. C’était autour d’une photo, prise au lendemain de la guerre, celle du club d’escrime de Villeréal dont le jeune Gilbert fit partie. Il avait alors douze-treize ans.
À l’évocation de ses souvenir, on comprenait aussitôt pourquoi la mémoire du fameux charcutier-traiteur villeréalais, aura fortement marqué Villeréal de son empreinte. Adieu, cher Gigi.
Jean-Paul Épinette