31/07/2014

Succession › GIGI BEAUVIÉ : « J'AI ÉTÉ TROP BRAVE »

Annie et Gilbert Beauvié, devant la vitrine du magasin : « on s’est démené pendant 40 ans et maintenant c’est une épine dans le pied ».|Photo © Pierre-Antony Epinette ‐ icimedia@free.fr

C’est la seule explication que trouve Gilbert Beauvié pour donner du sens à ce qui lui arrive aujourd’hui. Ceux qui à Villeréal, ont connu « Gigi », pourraient difficilement prétendre le contraire. L’homme est généreux, comme le fut sa cuisine ! Voici l'histoire. Elle illustre à point le drame intime qui touche un grand nombre d'artisans confrontés à la transmission de leur patrimoine...



L’histoire d’Annie et Gilbert Beauvié, respectivement 78 et 80 ans, c’est celle d’un couple qui, pendant quarante ans, a régalé la bastide. C’est celle aussi d’une véritable école de la cuisine. Du cochon et de bien d'autres délices. Apprentis et ouvriers se sont succédé au magasin et au laboratoire.

Le soir, chez les Beauvié, ils dormaient à l’étage. Ils étaient nourris, logés et blanchis. « Comme ça se faisait à l’époque » explique Annie.

Mais à Villeréal, Gigi n'a pas eu de successeur. Pur produit de la "formation Gigi", véritable héritier de son savoir-faire, le réputé Jean-Marie Bouchillou s'est installé à Castillonnès pour le bonheur des habitants de la bastide.

Excellent chacutier, cuisinier, professeur, Gilbert n’était pas un homme d'affaires. Au cours de ces vingt-cinq dernières années, par confiance, par gentillesse, il a aditionné des choix qui se révélèrent hasardeux.

D’abord celui de s’associer à la fin des années 90, pour pouvoir prendre soin d’Annie, très malade à l’époque. Mauvais gestionnaire, l’associé, déplore Gigi, faillit couler la charcuterie.

Il faudra six ans aux époux Beauvié, de 1992 à 1998, pour remettre la boutique à flots, avant de prendre leur retraite à l'écart du village. Et d'envisager vendre le fonds de commerce tout en restant propriétaire de l’immeuble de 260 mètres carré.

Pressé de faire affaire, Gilbert accorde sa confiance à un couple de jeunes, leur cédant le commerce et tout le matériel au prix minimum. Mais la boutique ne tourne pas. Une dizaine d’années plus tard, le couple s’en va.

En 2011, rebelote : un jeune achète, tient le coup six mois, met la clé sous la porte et se retrouve incapable de rembourser l’emprunt contracté. Les huissiers procèdent alors il y a un an à une vente sur saisie.

Pour les Beauvié, c’est le coup de grâce ! Déjà privés de leur loyer mensuel qui leur permettait d’arrondir une maigre retraite, ils retrouvent un immeuble dépecé par la vente.

Ces locaux, autrefois vivants et gourmands, sont aujourd’hui vides, froids, abîmés. Gilbert n’aspire plus qu’à une chose : vendre l’immeuble, commerce et appartement compris.

« Pour 230 mille euros, insistent annie et Gilbert Beauvié, prix à débattre, mais on veut s’en débarrasser pour ne pas léguer ce fardeau à nos enfants ! »


 Pierre-Antony Epinette                    

 

 

31/07/2014