Entrepreneur... entreprenant › SERGE PAJOT, « QUE LA TERRE LUI SOIT LÉGÈRE »
La disparition brutale de Serge Pajot a suscité stupeur et incrédulité chez tous ceux qui connaissaient ce Villeréalais de 73 ans dont l'activité aussi féconde que débordante a essaimé jusqu'au Sénégal, de Saint-Louis aux rives de la Casamance, en passant par le Parc naturel Régional du Narbonnais. Ses obsèques auront lieu mercredi après-midi à Villeréal...
Sa biographie pourrait être contée en trois grands chapitres, le premier ayant Villeréal pour cadre, celui de la jeunesse, d'une première vie familiale animée par la naissance de deux enfants – Yann et Emmanuelle – et d'une vie d'entrepreneur... entreprenant.
Création, organisation, direction... ses études lui avaient conféré des compétences techniques, mais Serge avait aussi une vision de la vie et du pays qui l'entourait et dans lequel il vivait. Il en fit notamment la démonstration en prenant la tête du Foyer rural de Jeunes au début des années 70. (Photo ci-dessous)
C'était du temps où la jeunesse de la bastide avait transformé les écuries de l'ancienne gendarmerie en discothèque : L'Étrier. Du temps où les disco-mobiles n'avaient pas été inventées... Le foyer proposait alors une grosse quinzaine d'activités.
Sur sa table à dessin, Serge avait imaginé une magnifique Maison des Jeunes et de la Culture qui ne trouva pas preneur auprès de la municipalité, malgré la pertinence de la réflexion et la superbe maquette qu'il avait réalisée.
Mais dans la réflexion de Serge Pajot un déclic s'était opéré : le développement local, l'animation permamente, étaient autant de chantiers d'avenir qui avaient besoin du savoir-faire d'un entrepreneur.
L'expression "développement durable" n'avait pas été encore inventée pour parler d'une croissance économique qui prenne en compte environnement (culturel, social, naturel) et fonctionnement de la société.
Les étangs du Narbonnais, le canal de La Robine...
La première page de sa vie personnelle tournée, on retrouve notre Villeréalais à l'autre bout du Canal du Midi. Serge s'est mué, entre autres, en armateur. En 1977, il a récupéré, à Sète, une vieille péniche de fabrication hollandaise, "La Tramontane".
Il monte une association et, en 1984, lance une activité de « Coche d’eau du patrimoine » entre Narbonne et Port-la-nouvelle : croisière de découverte sur le canal de la Robine et valorisation du site naturel de L'Ile Sainte Lucie, avec la bénédiction du Conservatoire du littoral.
Dans la "salle des machines" de la Tramontane (Photo ci-dessous) palpite un moteur que Serge avait échangé contre une Jeep Wyllis, et fait restaurer de mains de maîtres par ses potes villeréalais : Jacky Mesure et Uralès Arazo.
L’association obtient en 1988 le label de Centre Permanent d’Initiation à l’Environnement des étangs narbonnais. Au fil des années,les activités se développent : mise en valeur des sites protégés de l’île Ste Lucie et du Grand Castelou, des coches d’eau du patrimoine...
C'est dans ce cadre que son fils, Yann, prenda son essor de charpentier de marine aujourd'hui réputé sur le littoral méditerranéen. (relire notre article...)
... et Saint-Louis du Sénégal
L'activité débordante de Christian Pajot, la qualité du travail, le rayonnement du CPIE du Narbonnais vaudront à Serge Pajot de rencontrer un ministre de Michel Rocard, Jacques Pelletier (coopération et développement), par ailleurs président du Haut conseil de la coopération internationale (HCCI).
Le ministre propose au CPIE, le centre permanent d'initiatives pour l'environnement que Serge dirige, d'apporter son appui à des projets sénégalais de valorisation du territoire et du patrimoine comme outils de développement durable.
Nous sommes en 1993. Serge Pajot s'envole pour Saint-Louis, à l'embouchure du fleuve Sénégal. Objectif : recenser le patrimoine local qui puisse être exploité dans un projet de tourisme durable dont les gens du pays seront à la fois les acteurs et les bénéficiaires.
Les CPIE cessent leur partenariat, mais Serge ne lâche rien. Il fédère autour de lui et enchaîne les réalisations et les succès. Il sucite la création d'associations, voit ses projets essaimer dans le pays.
Il fallait former les acteurs locaux. Josette, sa compagne, enseignante désomais à la retraite, prenait alors en charge la formation de ces futurs guiudes au tourisme. « Il restait tant de choses à faire »...
Serge Pajot devait reprendre le chemin de la Casamance à la fin du mois. Plus haut dans la vallée, au long du fleuve, une dizaine de gros villages sont demandeurs. Le chef de projet l'attendait impatiemment...
Là-bas, la nouvelle de sa mort brutale – un accident cérébral – a laissé tout le monde désemparé. Elle a un fort retentissement, douloureux, comme en témoigne le site d'information de la ville Ndarinfo.com
« Que son âme repose en paix, que la terre lui soit légère.» écrivent nos confrères. Nous nous joignons à eux pour adresser nos condoléances à Yann et Manu, ses enfants, et à leur mère Marie-Andrée, à ses petits-enfants, à Josette sa compagne, à Christian son frère, à leurs familles et à leurs proches.
Jean-Paul Épinette
La dépouille de Serge Pajot repose à la chambre funéraire, à Villeréal. Un service religieux sera célébré mercredi à 14h30. L'inhumation aura lieu à Limoux, jeudi.