03/04/2020

Contamination › NE PAS MASQUER LE RISQUE

À la pharmacie, personnel masqué, gestes barrières... personne n'entre : les pharmaciens reçoivent les ordonnances sur le trottoir.  |Photo © Jean-Paul Epinette.

Marché de Villeréal, samedi dernier. - «  Mais, madame, votre masque, c’est votre bouche qu’il doit couvrir et votre nez  ! »

Sur le trottoir, la petite grand-mère tend son ordonnance à la pharmacienne. Elle porte son masque chirurgical autour du cou. Elle bredouille une excuse à l’adresse de Sylvie Mondérer : « De toute façon, il sert à rien… c’est surtout pour rassurer les autres... »

Objet de pénurie, le masque est devenu un sujet de débat et de discussions enflammées opposant les pour-ou-contre sur les réseaux sociaux alors que l’épidémie – et la peur – prennent une ampleur tragique…



Sur le marché, un passant commente « Si depuis le début on avait tous eu des masques, on n’en serait pas là... » À en juger par les commentaires sur les forums, cette opinion est partagée par beaucoup de gens.

Pourtant, les pouvoirs publics ne prescrivent le port du masque que dans un seul cas : quand on est malade. C’est la doctrine de l’organisation mondiale de la santé qui émet un avis très documenté sur le sujet (Pour lire, cliquez ici).

Les deux types de masques

Prescrit aux personnes malades, le masque « chirurgical » permet aux malades de ne pas transmettre le virus aux autres. Mais il ne nous protège pas quand on le porte.

Le masque du type FFP2 (ou supérieur) est réservé au personnel médical. Il protège à la fois le soignant qui le porte et le patient (malade ou pas) qui est pris en charge.

Si l’on n’est pas malade il n’est donc d’aucune utilité de porter un masque. Voire un masque et des gants. Si vous en doutez, cette scène également observée samedi dernier, sur le marché, vaut bien des explications.

Mesures de... sur-protection

Le commerçant dont il s’agit a bien appliqué les mesures recommandées : son stand est largement éloigné des bancs voisins, un ruban matérialise la séparation entre client et marchand. Un flacon de gel hydroalcoolique est bien en évidence… Manifestement, ce commerçant, a respecté toutes les obligations. Et même au-delà : il s’est muni de gants bleus et d’un masque.

En attendant le chaland, il donne un coup de téléphone, relève son masque sur son front, puis, la conversation terminée, le remet en place. Il allume une cigarette. Le masque autour du cou. Il tire une bouffée, se frotte les yeux, le nez, à trois ou quatre reprises… Il porte des gants, n’est-ce pas...

Il a remis son masque quand la cliente s’est présentée. Il a déposé les achats dans le sac qu’elle lui tendait, comme il est recommandé. Puis il a saisi la somme à payer sur le terminal carte bancaire qu’il a tendu à la cliente afin qu’à son tour elle compose son code.

Apparemment tout allait pour le mieux. « Sauf que »... cherchez l’erreur.

Des règles strictes à appliquer

Utiliser un masque oblige que nous respections des règles d’utilisation strictes. Si on le tripote toutes les cinq minutes, si on le met sur son front ou sous son menton, le meilleur des masques sera inopérant. Pire, il pourrait nous infecter si nous ne l’étions pas déjà.

Utiliser un matériel – « masque et gants » –conçu pour des professionnels – « les soignants » – exige une discipline de professionnel. Ce que décrit très bien la vidéo ci-dessous provenant d’un fabricant de masque...

Alors, sommes-nous capables de respecter scrupuleusement ces règles d’utilisation ?
Si ce n’est pas le cas, mieux vaut ne pas céder à l’illusion de leur protection.

L’illusion de la sécurité

Pour pallier le manque de masques et nous équiper d’une version « grand public » on a vu monter sur internet un mouvement spontané de solidarité avec des solutions « fait-maison ». Une fausse bonne idée selon un spécialiste bordelais.

Médecin hygiéniste, Pierre Parneix dirige le centre de coordination et de lutte contre les infections nosocomiales (Cclin) du CHU de Bordeaux. Il est président de La Société française d'hygiène hospitalière.

Il confie au journal Libération : « Le problème des masques faits maison, c’est que leur performance n’a pas été testée donc on ne peut pas savoir si le virus peut passer au travers ou pas. »

À la différence des masques vendus en pharmacie et portés dans les hôpitaux qui, eux, sont homologués. Une chose est certaine : il ne vous protégera pas d’une personne infectée.

Avec ou sans masque, les gestes barrières doivent être respectés, au risque de mettre la vie de quelqu'un en danger... - Illustration P'tit Libé - DR

Un débat de spécialistes ?

Pourtant, on trouve des médecins, et non des moindres, partisans du port du masque par toute la population. C’est le cas de Patrice François, professeur au service d'évaluation médicale au CHU de Grenoble-Alpes, auteur d’une tribune intitulée « Sortons tous masqués » (Pour lire, cliquez ici). De Bruno Grandbastien, président de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), ou bien encore du directeur général du Centre chinois de contrôle et de préventions des maladies.

Dans un article à la revue américaine « Science », rapporte le journal Le Monde (Pour lire, cliquez ici), George Gao lance un cri d'alarme au monde entier : « Ne pas porter de masque pour se protéger du coronavirus est une grande erreur. »

Impossible pour nous, simples citoyens, de trancher.

Tous, quoi qu’il en soit, considèrent que le respect des gestes barrières est vital : confinement, distanciation sociale, désinfection des mains, des surfaces contact...

Prescription officelle : Portez un masque chirurgical jetable SI VOUS ÊTES MALADE... - Illustration DR

Rassurer... ou inquiéter ?

Revenons pour conclure à notre petite grand-mère répondant à Sylvie Mondérer, la pharmacienne : « C’est surtout pour rassurer les autres... »

Est-ce bien sûr ? Rassurer ou… inquiéter ?

Les recommandations officielles sont formelles : « Si vous êtes malade, portez un masque chirurgical jetable ». Sinon les masques son réservés aux professionnels.

La personne que je viens de croiser, rue Saint-Michel, portait un masque. Ce n’était ni un médecin, ni une infirmière. Ce ne pouvait donc être qu’un malade (puisque ce sont les seuls à qui le port du masque est prescrit.) et dans ce cas, qui devait présenter un risque.

Il aurait donc dû rester confiné chez lui.

À moins que ce passant n’ait voulu se rassurer en portant un masque... qui ne le protège pas. Et semer la crainte et le doute autour de lui.

Allez savoir...

Jean-Paul Epinette


Lire également : « Fabriquer des masques soi-même ? » dans :
LE P'TIT LIBÉ, l'actualité des grands expliquée aux enfants ... (Pour lire, cliquez ici)

 

 

 

03/04/2020